Le culte des dieux grecs fait-il partie du passé ? Tu crois sérieusement que nos dieux se laisseraient marcher sur le chiton ? 😏
Ils ont leurs adeptes encore aujourd’hui. Il existe en effet un mouvement néo-païen helléniste assez connu et structuré en Grèce depuis la fin des années 1990. En vérité, il existait déjà avant, mais était au départ assez confidentiel 🤫 Pas facile d’avouer à tes proches que tu fais des prières et des libations à Apollon tous les matins avant d’aller travailler... 😅
Aïtana Marquet s'est penchée sur le sujet pour tenter d'apporter des réponses aux questions que tu te poses sur le sujet. Cet article complète donc l'interview que m'avait accordée Marion Lecomte sur le sujet du paganisme helléniste moderne.
Agnès Rabotin
Article rédigé par Aïtana Marquet, étudiante en histoire de l’art, dodécatheiste et passionnée de la période antique.
Vous est-il déjà arrivé de vous interroger sur la religion de l’Antiquité ? Comme de vous demander les raisons pour lesquelles ces dieux sont tombés dans l’oubli et si vraiment plus personne ne les vénère ?
Ce sont des questions que je me suis posées dans ma vie et par la suite pour écrire cet article, et il m’a mené à des pistes étonnantes. Bien loin des dires de nos professeurs…
Le terme le plus courant pour la croyance dans les dieux de la Grèce antique est « hellénisme », hellenismos en grec.
C’est d’abord un courant du XVIIIe siècle, style nommé néo-classicisme pour décrire la passion des artistes (peintres, architectes, sculpteurs) pour la Grèce antique. On redécouvre Pompéi et des villes antiques, ainsi que les valeurs de l’époque. Ce courant se traduit par un retour aux sources de l’art. Ils accordent beaucoup de romantisme et d’idéalisation à la Grèce et à la Rome antique ainsi que vis-à-vis de l’art étrusque. Ces artistes sont décrits comme hellénistes, littéralement « amoureux de la culture hellène » (culture grecque).
Mais ils ne sont pas religieux à cet instant, ils s’inspirent seulement de la riche culture de l’Antiquité et de l’histoire de la Grèce. Le terme est repris ensuite par les linguistes grecs, puis ceux qui s’interrogent et adhèrent à la philosophie et la spiritualité prônées dans l’Antiquité.
C’est vers 1970 que des groupes de croyants et pratiquants vont se former. Ce polythéisme moderne regroupe l’ensemble des différents mouvements et courants. Il est « une approche du paganisme moderne apparue à la fin des années 1970, puis popularisée [1] » . L’essor d’internet permet à des groupes néopaïens de se former, de la même façon que les Wiccans, et vont intégrer des cultes aux dieux antiques notamment.
De nos jours, il existe des groupes pour les croyants et pratiquants de cultes aux dieux antiques grecs. Le terme le plus approprié pour décrire la pratique du polythéisme grec est le « dodécathéisme » (religion des douze dieux, les dieux olympiens), le terme d’hellénisme étant davantage rattaché aux passionnés de la culture des Hellènes (les Grecs de l'Antiquité).
De manière générale, « les dévots adorent les dieux grecs, qui comprennent les Olympiens, les divinités et les esprits de la nature (comme les nymphes), les divinités du monde souterrain (dieux chthoniens) et les héros. Les ancêtres physiques et spirituels sont grandement honorés [2]. »
Mais il existe plusieurs manières de se placer. Deux mouvements se distinguent : le reconstructionnisme et le modernisme.
Les reconstructionnistes
Le reconstructionnisme consiste à suivre les mêmes pratiques et modes de vie que dans la Grèce antique le plus précisément possible. Ce mouvement se base sur les textes historiques, thèses archéologiques et scientifiques pour se rapprocher au maximum des pratiques, manière de vivre et philosophies de l’Antiquité. Véritable reconstitution historique, donc, plutôt qu’une interprétation.
Définis principalement comme « ortho/praxe », c’est-à-dire « juste/pratique », les rites ont une importance particulière et les actes comptent davantage que la croyance, qui passe au second plan. Il se peut alors que les croyances des pratiquants diffèrent, mais les rites et pratiques pourront se faire en commun.
« Chacun pourra croire ce qu’il désire, mais tous devront suivre le même protocole rituel [3]. » Chacun est libre de croire ou pas et de suivre ses propres croyances. L’atteinte de cet objectif ne peut se faire entièrement, évidemment, mais le but est de s’en approcher.
Les modernistes
Ils fondent leurs propres croyances sur une interprétation personnelle de celles de l’Antiquité. Ils intègrent des manières de faire contemporaines, et sont donc plus dans une réinterprétation que sur une application de pratique déjà écrite.
La base reste néanmoins historique, mais les rituels, la manière de voir, de penser et de vivre peuvent différer. Les manières de se placer sont multiples et les pratiques et croyances de chacun sont à respecter.
Finalement, l’hellénisme est une religion très variée qui mérite naturellement certaines connaissances de base, étant une religion antique et très riche. Malgré cette ancienneté, elle peut paraître plus vivante et libératrice que d’autres. Elle permet, dans un sens, d’aider l’archéologie à mieux comprendre les savoirs antiques et l’héritage transmis.
En France, la liberté de culte, qui date de 1789, accorde à cette religion de créer des communautés, célébrer des rites et des événements comme le mariage. La Grèce a légalement reconnu la religion hellénique un peu plus tard, en 2017, ce qui autorise notamment les hellénistes à ouvrir des lieux de culte.
Enfin, je terminerai par une phrase qui définit l’hellénisme prôné de nos jours, « Le renouveau hellénique laisse aux praticiens la possibilité de décider ce qui leur convient et d’adapter les pratiques religieuses historiques à la vie moderne [4] ».
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[1] Cité par Seranill Antinoüs, Manuel d’hellénisme, La pratique contemporaine du polythéisme grec,Editions Danaé, Balma, 2022 p.22
[2] Cité dans « Croyances »; Hellénisme (religion moderne) - [en ligne: https://fr.abcdef.wiki/wiki/Hellenism_(religion)]
[3] Cité par Seranill Antinoüs, Manuel d’hellénisme, La pratique contemporaine du polythéisme grec,Editions Danaé, Balma, 2022 p.22
[4] Cité dans « Relation avec la religion grecque antique »; Hellénisme (religion moderne) - [en ligne: https://fr.abcdef.wiki/wiki/Hellenism_(religion)]
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Je remercie Asteria Mageia et Marion Lecomte pour avoir répondu à mes questions et un grand merci également à Antinoüs et le groupe « Hellénisme France » pour m’avoir aiguillée sur les définitions et termes à utiliser. Enfin, je remercie tout particulièrement Agnès Rabotin pour cette incroyable opportunité.
Bibliographie
- Bayet Jean, « La religion romaine de l'introduction de l'hellénisme à la fin du paganisme ». In : Idéologie et plastique. Rome : École Française de Rome, 1974. pp. 125-168. (Publications de l'École française de Rome, 21.)
- Bremmer Jan N., La religion grecque, Les Belles Lettres, Paris, 2012.
- Seranill Antinoüs, Manuel d’hellénisme, La pratique contemporaine du polythéisme grec, Éditions Danaé, Balma, 2022- Vernant Jean-Pierre, Mythe et Pensée chez les Grecs, La Découverte, Paris, 2005
Sources en ligne
« Nienna Alwee Sorcellerie§Hellenisme », nienna-alwee.fr, [en ligne : Accueil – Nienna Alwee (nienna-alwee.fr)]
« Hellenisme (religion moderne », Artigos.wiki, [en ligne : Hellénisme (religion moderne) – Artigos.wiki]
« Nouveaux croyants des dieux de la Grèce antique », BBC, [en ligne: NOUVELLES de la BBC | L’Europe | Nouveaux croyants des dieux de la Grèce antique]
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